Décidément, j’ai vraiment de la peine à écrire régulièrement lorsque je suis ici. Alors autant vous dire ce qui me trotte par la tête, quitte à m’écarter du sujet fondateur de ce blog! Les histoires au coin du feu d’aventures picaresques dans l’archipel attendront encore un peu…
Je suppute que peu d’entre vous suivent les prémices des éléctions présidentielles étatsuniennes avec assiduité. Dommage. Vous passez à côté d’un théâtre ambulant qui repousse les limites de la bêtise, de la farce et de l’absurde comme jamais avant en politique. Je parle des primaires à l’investiture républicaine. Un pur délice, un feuilleton à très haut pouvoir addictif.
Je ne vais pas reproduire ici les répliques d’anthologie qui ont rythmé la campagne depuis le printemps, mais sachez que le cru 2011-2 atteint des sommets. La recette de cette réussite, une brochette de tarés – 5 personnages tellement à droite de l’échiquier qu’ils en sont tombé, et, hors-champs, un peu comme les ultrasons pour l’oreille humaine, flottent dans des limbes obscures où l’emporte-pièce règne en monarque absolu…à moins que ce ne soit Sauron.
Les autres candidats ont de la peine à faire autre chose que de la figuration, devant l’ingéniosité déployée par les 5 affiliés au mouvement du Tea Party. Tour à tour ils ont été grands favoris, à chaque fois pour exploser en vol au bout de quelques semaines. Il y a eu Bachman la milf créationniste incapable de citer le nom d’un journal, quel qu’il soit, puis Rick Perry, ses discours bourré et sa mémoire limitée à deux éléments par liste, et surtout Hermann « blacker than Obama » Cain, au programme de taxation copié de Sim City, sa proposition d’électrifier la frontière avec le Mexique, j’en passe et des meilleurs.
En cette fin d’année, Hermann Cain a arrêté sa campagne, concluant sur une citation « tiré du film Pokémon », Rick essaye de relancer la sienne en s’insurgeant que « Les gays peuvent servir ouvertement dans l’armée mais les enfants ne peuvent pas célébrer ouvertement Noël », et le dernier des 5 amateurs de thé, Newt Gringrich, descend dans les sondages aussi rapidement qu’il a monté il y a trois semaines.
Serait-ce enfin l’heure de percer pour Mitt Romney, le riche mormon? Il est éternel second dans les sondages, avec une constance remarquable depuis le printemps. Comme l’a fait remarquer Stephen Colbert dans son show, les autres ont un sacré avantage sur lui: eux ne sont pas Mitt Romney [Il semblerait qu’il est psychologiquement très difficile pour beaucoup d’électeurs républicains de voter pour un mormon] . Mais non, cette fois-ci, je jubile, c’est mon préféré qui prend son envol: Ron Paul. Et il est le sujet de ce billet.
Ron Paul est le politicien le plus cohérent des Etats-Unis. Un ovni, un isolé, un paria presque. Peut-être le seul à ne pas représenter des lobby. Gynécologue de formation, il est représente le Texas au congrès depuis 35 ans.
Il est libertarien, un courant dont le programme tient en 3 mots: Liberté individuelle ABSOLUE.
Ne tolérant aucune dérogation à cette prémisse, il défend notamment:
-La suppression de la plupart des impôts;
-Le démantèlement de la Réserve Fédérale;
-La suppression de 5 ministères, dont l’éducation, le commerce, l’intérieur;
-La suppression de la CIA;
-La non-intervention internationale, impliquant le renoncement à toute guerre;
-Le retrait des USA des organisations internationales, notamment ONU, OMC, OTAN;
-Le mariage gay;
-La légalisation de tous les stupéfiants;
-L’abolition de tous les fichages, jusqu’à la carte d’identité;
Il argumente que seule une liberté individuelle absolue peut avoir un impact positif sur l’environnement. Dit simplement, la pollution de l’air, de l’eau ou des sols, par exemple, en altérant la propriété d’autres individus, est contraire au système libertarien. Il faut bien comprendre que la liberté individuelle est comprise comme l’expression d’un droit absolu sur son propre corps, sa propriété et l’objet de son travail. La seule restriction est celle de ne pas pouvoir renoncer à sa propre liberté.
Si cela vous intrigue, jetez un oeil au bouquin de Nozick, « Anarchy, State and Utopia » (1974), un ouvrage de référence s’il en est, qui montre à quel point le système philosophique dont s’inspire Ron Paul, s’il contredit nombre de principes auquel nous tenons, présente très peu de failles et que la contradiction, de fait, est dans notre camp!
Perpétuellement mis à l’écart par les mainstream media, Ron Paul a pourtant réussi à tenir bon en répétant inlassablement, depuis 40 ans, son programme inhabituel mais solide comme le roc, et qui nous oblige à revenir aux racines de nos convictions. Parce que les racines aussi pourrissent parfois.